Namiko a écrit:Namiko prit le lourd livre vierge qui semblait l'attendre là, comme si depuis toujours c'était sa place dans cette bibliothèque.
Le cuir de la couverture semblait assez neuf pourtant, et le papier n'avait pas encore jauni sous les assauts du temps.
Soulevant avec respect l'ouvrage, elle le posa sur la table, prépara encre, plume et sous main, puis d'une main sure et décidée traça les premières lettres.
Les annales de la Cohorte - livre VII
Namiko - 16ieme jour de PhixC'est peu après mon entrée à l'Egide du Savoir que j'ose accomplir ce geste à la fois si simple et si lourd de sens : commencer le septième livre des annales de la Cohorte.
Des six précédents n'ont survécus que certains passages, des tomes entiers ont été perdus ou détruits par les ravages de la guerre et du temps. Quel sera le destin de celui ci, je l'ignore, mais il est de notre devoir d'y consigner la vie de ce cycle.
Je ne suis sans doute pas la personne la plus indiquée pour commencer ce tome, n'étant sur l'ile que depuis quelques semaines, mais les voies du Destin sont mystérieuses, et après tout pourquoi pas.
La Cohorte existe depuis prêt d'un millénaire, suite au grand cataclysme. Pourquoi ? Nous l'avons oublié, il reste tant à redécouvrir, et la majorité des ouvrages du premier cycle ont été perdus. Il nous reste les noms des louves, car depuis toujours c'est le titre de la femme à la tête de l'organisation. Lorsque le temps est venu ou qu'une louve meure, la Cohorte est dissoute, fin d'un cycle qui ne reprendra qu'avec une nouvelle louve, des nouveaux membres.
Il y a 64 ans que la Cohorte de Castelle Rouages a été dissoute, deux bonnes générations pour les humains, un fragment d'éternité pour les Daeva.
Une nouvelle louve a émergé, Saraban. Toute jeune et inexpérimentée qu'elle soit, elle est notre clef de voute, notre vecteur d'espoir et de cohésion. La cohorte parfois ressemble plus à un refuge de déviants et d'associaux que à quoi que ce soit d'autre, et pourtant nous sommes tous attirés ici par les fils du destin, tous liés d'une manière ou d'une autre à la Louve.
Tantôt drôle, tantôt colérique, elle porte tout le poids d'un millénaire de responsabilités du haut de ses vingt et unes courtes années. On peut l'adorer ou ne pas l'aimer, on peut même la détester, il n'en reste pas moins que nul ici ne conteste son droit inaliénable à diriger la Cohorte, et je ne doute pas que cette époque ci sera encore plus mémorable et agitée que les précédentes.
En effet la guerre fait rage, plus vivace que jamais. Quel que soit le désir de beaucoup d'entre nous de ne pas y être mêlé, je crains que nous soyons emportés dans la tourmente, la survie même de notre peuple étant en jeu.
Nous sommes une quinzaine pour le moment, c'est peu et pourtant c'est déjà beaucoup, la nouvelle Cohorte est toute jeune.
Présenter la septième Cohorte, c'est bien sur présenter Saraban mais on ne peut oublier non plus Sissel. C'est elle qui a trouvé Saraban, c'est elle la seule à avoir connu la sixième cohorte. D'après les archives que j'ai pu retrouver, il est même possible qu'elle ai connu la cinquième. Pourtant elle ne parle jamais du passé.
Tel un mystérieux et infatigable veilleur, elle accueille toute personne débarquant dans notre sanctuaire insulaire. Nul ne connait son histoire à part peut être la louve, et j'ai le pressentiment qu'un jour elle ne sera plus là, disparaissant aussi silencieusement qu'un bref courant d'air, son devoir accomplit, notre avenir assuré.
Si je laisserai le soin aux autres scribes d'approfondir notre histoire et nos aventures, je ne peux pourtant clore cette introduction sans une brève présentation des membres de la troupe.
J'écarte tout classement, qu'il soit chronologique, alphabétique ou hiérarchique. Seul le hasard classe ces noms, comme lui seul nous a réunit ici.
De Thulien je sais peu de choses. Cette guerrière semble avoir beaucoup d'expérience et un don pour le dessin longtemps travaillé. Au premier abord elle ne semble pas commode, mais tous avons nos raisons pour être ici, on ne pose pas trop de questions. Son bouclier sans nul doute nous sera utile et si elle manie aussi bien la plume que les armes nul doute qu'elle contribuera à cet ouvrage.
En revanche Myrd'hin, alias Merle, je le connais bien. Ce vieil homme a la manie d'exaspérer son entourage en général et Saraban en particulier. Sa maitrise des esprits élémentaires n'a d'égal que sa faculté à dormir en tout lieu et à toute heure. Je le trouve amusant pourtant. Les vieux Daeva au fil des siècles ont souvent du mal à garder tout leur esprit, chacun se réfugie dans ce qu'il peut pour observer le défilement du temps. Donc le sommeil, pourquoi pas.
Cryven est une ombre froide qui met tout le monde mal à l'aise. Seule la louve semble vraiment le connaitre. Je le devine efficace dans son domaine, rapide, mortel. Certains chuchotent qu'il est recherché, mais ici nul n'a à s'en plaindre, même si lui faire totalement confiance semble difficile.
Naos pourrait presque être le cadet de la troupe, s'il n'y avait pas Kiba. Amusant, éternel gaffeur, il a hélas le manque de sagesse et de tolérance propre à son âge, et déjà quelques récents accrochages me font craindre qu'il ne reste pas. J'espère me tromper. Dans notre jeune Cohorte toute arrivée est une grand joie, tout départ une profonde blessure.
Si on devait trouver un autre extrême, il est probable que Daedalus serait un bon choix. Plus ancien que la fondation de la première Cohorte elle-même, s'il parlait plus il aurait sans nul doute bien des choses à raconter. Pourtant comme beaucoup des premiers Daeva, il ne semble pas vouloir évoquer le passé, il préfère trouver la sérénité dans la forge d'une lame travaillée ou l'étude d'une carte stratégique.
En ce qui concerne Sriin et Astendar, je ne pourrai guère disserter. Bien qu'ils aient été là avant même mon arrivé, je ne les ai que rarement croisé. Nul doute pourtant les premiers combats que nous aurons à mener souderont le groupe et nous feront rencontrer.
Le benjamin, Kiba, est par contre difficile à ne pas remarquer. Flanqué de ses loups, il semble en avoir hérité les manières et les habitudes. Compagnon de notre chef depuis peu, il est parfois difficile à cerner, sauvage, mais d'une incontestable loyauté. Il est de ces personnes, nombreuses de par chez nous, d'un abord un peu rude mais au cœur généreux.
Le plus récemment arrivé est Kapok, un colosse à la musculature telle qu'il pourrait sans doute briser en deux quelqu'un sans grande difficulté. Il semble pourtant calme et posé, c'est rassurant de le savoir à nos cotés. J'ai beau savoir que chez les Daeva la puissance n'est que peu liée au physique, une partie de moi est encore trop humaine pour en faire abstraction.
Apparences, taille, puissance... que de jugements trompeurs. Qui aurait cru par exemple que la petite Saya était une Daeva expérimentée ? Pas plus haute que trois pommes, fascinée par les sucreries et autre gaminerie de son âge, ou tout du moins de l'âge qu'elle parait, elle complète un groupe aussi hétéroclite qu'improbable. Elle apporte en tout cas une dose de fraicheur et de spontanéité qui fait sourire même les plus blasés.
Aran lui est plus discret, ce clerc arrivé il y a peu semble avoir bien vécu et chercher ici un peu de sérénité. Parlant rarement pour ne rien dire, sa maitrise de l'aether pour soigner est assurément un atout sans prix.
J'imagine qu'il me faut aussi parler de moi. Surnommée la flutiste, la musicienne, ou la poète, j'ai laissé le Destin me mener jusqu'ici. J'essaie, à ma manière, de soulager les esprits et les corps des lassitudes présentes et passées. Il est trop tentant de parler de soi dans un ouvrage qu'on destine à la postérité, aussi n'en ajouterais je pas plus.
Non dénuée de talent elle aussi pour les arts, notamment pour le chant, Synae semble avoir longtemps souffert d'un teint trop pale dans un monde trop sombre. Réminiscence de ce que nous fument jadis, cette couleur rappelle trop de nos jours celle des Elyséens. Ici pourtant nul jugement, car tous portons les stigmates du passé, récent ou lointain, et nous avons j'espère appris à respecter les autres pour nous respecter nous même.
Enfin le tableau ne serait pas complet sans notre grande oratrice, Clotho, pour qui les mots sont des armes et les mondanités des batailles. Il y a des combats que les armes seules ne peuvent résoudre.
Bien sur il y aurait encore tant de chose à écrire pour présenter notre Cohorte. En dehors des sibyllins que nous sommes, il y a sur l'ile quelques personnes, sans parler de l'équipage du Carabin Noir, le bateau qui dessert l'ile, et il faut ajouter à cela les animaux, les lieux... Mais toute chose a son heure, et pour le moment du moins je te laisserai, lecteur, sur ta faim. Ces annales seront continuées par tout un chacun, car c'est de notre diversité que nous tirons la force. Nul doute cependant que j'y reprendrai la plume, un jour, ou demain.