Les annales de la Cohorte - livre VII

[Plume]

Quelques petits gribouillages sans sens apparent apparaissent en haut du texte qui suit. A priori l'auteur a mis du temps avant de se mettre à écrire.

Saraban
12 de la Guivre, 1000

Les derniers jours ont été riches. Dans tous les sens possibles. En action, en information, en rencontre, en problème, en discussion... Et encore tout un tas d'autres choses.

Nous avons mis notre plan à exécution, Prudence a été ramenée sur la Grande sans problème. Mais Caprin a bien évidemment refusé de venir me parler. Elle est restée quelques jours avec nous. Ses informations n'étaient ni nombreuses ni vraiment nouvelles. D'après elle Caprin et ses deux acolytes, Shatirion et un certain Keyden chercheraient à se racheter en protégeant les papillons. Lors du premier conflit ils auraient massacré nombre d'humains à cause d'une femme comme nous. Mais à priori elle n'en sait pas plus. Elle semble avoir autant confiance en lui que je peux avoir confiance en Kiba, la différence, notable, voire énorme, étant qu'elle dit elle-même ne pas connaître Caprin.

Elle le suit les yeux fermés, sans rien demander. Elle faisait de même avec ce Sylorr, ils auraient vécut ensembles des siècles sans qu'elle ne lui pose la moindre question à son sujet. Ce manque de curiosité me dépasse, c'est incompréhensible pour moi. Se laisser balloter comme ça, transportée de bras en bras telle une poupée de chiffon... Cette idée me révulse.

Clotho m'a rejointe l'autre soir, j'étais en train de discuter avec deux hommes d'un clan qui se fait appeler Mythix. L'un deux, Klistic, m'avait contactée quelques jours auparavant, prétextant avoir des informations sur Caprin. Il était arrivé avec un certain Mebalreh. Rien de réellement nouveau dans ses propos non plus. Il pensait que Caprin cherchait à capturer les papillons et non pas à les protéger. Il croit également que cette Elisheba serait aussi une de ces femmes. Clotho doit la revoir, lancer sur elle un sort de clairvoyance pour se rendre compte si oui ou non elle cacherai l'éclat de son œil par magie.

Mais il nous faudra aussi nous méfier de ce Klistic et de sa clique. Il dit vouloir en finir avec Caprin mais lorsque nous avons ramenée Prudence à Encrages celui-ci était présent, avec eux, pendant leur répétition.

Le monde me semble perpétuellement trouble, plongé dans un amas gluant de tromperie et de mensonge.

Je crois que le séjour de Prudence sur l'île s'est plutôt bien passé. Peut-être vont-ils enfin nous laisser tranquilles. Mais cet homme des Mythix nous a fait une bien drôle de proposition. Il s'attend à ce qu'on le débarrasse nous-même du vieux fou. Par je ne sais quel biais... Ils pataugent tous deux dans certains trafics, se faisant concurrence. Je crois qu'il nous a pris pour des mercenaires.

Ces gens sont tous cinglés.

Kiba et Tulien poursuivent leur querelle stupide. Je n'arrive même pas à comprendre ce qu'ils se reprochent mutuellement. Leurs caractères sur-protecteurs n'aident pas à avancer, l'un cherchant toujours des puces à l'autre dès que l'occasion se présente.

Hier soir nous avons été conviés au cœur même de Pandemonium, dans le district de Vanahal, un quartier bien pompeux et peu d'entre nous ont l'habitude de tant de luxe. Clotho était comme chez elle quand moi j'avais l'impression d'être une tâche de sang sur de la soie blanche. La Lignée Donegan, c'étaient eux nos hôtes et ils avaient une proposition bien singulière à nous faire. Ils nous ont proposés de devenir des sortes « d'amuseurs publics », divertir la plèbe, faire oublier leurs tracas aux gens. Apporter un peu de Paix.

L'idée est louable... Voire attirante. Nous ne sortons de notre fin fond du monde que pour nous retrouver face à ces conflits. Il pourrait être intéressant, changeant et rafraîchissant d'agir comme cela. J'aimerais m'amuser un peu plutôt que courir au-devant des problèmes chaque jour qui passe. Penser à autre chose, ne pas laisser ces intriguants prendre le pas sur nous et nos vies. Quitte à devoir agir derrière des masques pour pouvoir se faufiler jusqu'au cœur de la Cité des Mensonges.

Je sais que cette idée soulève des émois parmi les Sibyllins, mais je pense qu'il devient urgent de sortir de notre autarcie.

Le monde est vaste, il ne tient qu'à nous de le parcourir avec Liberté.

[Saraban]

C'est peu avant l'aube que ses pieds foulèrent le sol du Reliquaire. D'un pas lent, automatique, elle se dirigea vers le lutrin, se saisit de la plume et inscrivit un seul mot dans l'ouvrage.

Sur la page l'encrier semble avoir été renversé et quelques gouttes d'un liquide translucide ont marqué le papier.

Saraban, 23 de la Guivre

Fiasco.

[Saraban]

Saraban, 27 de la Guivre, an 1000

Je vais finir par croire qu'il n'y a que nous pour nous empêtrer dans des histoires pareilles. C'est comme si tout était lié pour qu'au final nous ayons des ennuis. Et plus je m'embourbe dans ces histoires pour comprendre, moins je comprends.

Nous avons appris que le lendemain de notre rencontre avec les Donegan ceux ci avaient disparus. Envolés, enfuis, cachés, détruits. Je ne sais pas ce qu'il leur est arrivé. Mais il est fort probable que leurs idées de pacifisme soient arrivées jusqu'aux oreilles de la Cour des Ombres. Refuser de faire la guerre aux Elyséens c'est pactiser avec l'engeance, nous l'avons désormais tous compris.

Un seul d'entre eux est encore présent. Du moins il l'était il n'y a pas très longtemps. Je voulais poursuivre cette idée soufflée par les Donegan, monter une sorte de Cabaret itinérant.

Ce dernier homme encore présent s'appelle Hokhmah Esekiel, guerrier mais surtout noble. Il pouvait nous introduire parmi les Hauts-Daevas, nous assurer une présence au cœur de Pandemonium et surtout inciter les plus hauts dignitaires à venir nous voir.

Mais sous le couvert de nos masques et de nos déguisements.

Cette idée a ravie cinq des Sibyllins. Ou plutôt des Sibyllines. Élégie, Odyssée, Chimère, Améthyste et Trois Pommes. Sans oublier Fable. C'est sous ces noms que nous devions nous montrer et dissimuler nos véritables identités.

Notre but n'est pas vraiment de collecter des informations ou d'entrer dans les sphères de ceux qui nous dirigent. Non, la plupart d'entre nous ne souhaitent que s'amuser, divertir les autres pour se distraire soi-même. Mais je sais que toute rumeur, tout ragot ou toute bribe d'information est bonne à prendre.

Surtout en ce moment. Cet homme qui devait être notre Mécène est recherché, une mise à prix a été lancée sur lui par des personnes, des Réminiscences, que nous connaissons mais dont nous ignorons toujours s'il s'agit d'amis ou d'ennemis.
La première rencontre avec eux ne s'est pas bien déroulée. Mais il s'agit là de gens proches des Shédims, et je pressens quelque chose de mauvais. Sans pouvoir dire quoi exactement.

Sans le vouloir, même inconsciemment cette fois, nous nous retrouvons encore au milieu d'une manœuvre dont nous ignorons les tenants et les aboutissants. Nous devons découvrir pourquoi ils le recherchent. Est-ce pour les Seigneurs ? Pour la Cour des Ombres ? Ou juste pour eux-mêmes ? Il va nous falloir prendre part à cette traque, nous camoufler derrière l'appât du gain, et le trouver avant eux.

Il nous faudra retourner au Vanahal, fouiller sa maison, mais cette fois nous nous servirons de nos alias. L'Arc en Plumes, cabaret caché de La Cohorte, aura là sa première mission. Retrouver Hokhmah.

[Namiko]

Elle souffla doucement sur l'ouvrage vénérable pour balayer la poussière accumulée en quelques mois.
L'ouvrage, à peine commencé, était déjà destiné à être archivé, bientôt.

Namiko - 22 ieme jour de Simurgh, an 1001

Puisque le hasard m'a fait commencer ces annales de la septième Cohorte, il est de mon devoir je pense d'y laisser un message avant de la quitter.
J'espère, je souhaite, que si la Louve, ou le Temps reviennent un jour sur l'Ile ils pourront apporter une digne conclusion à cet ouvrage, car je ne pourrai pour ma part qu'évoquer le triste état où nous nous trouvons.
A l'heure où j'écris ces lignes, seuls cinq Sibyllins passent encore régulièrement en ces lieux : Clotho, Synae, Mankel, Crépuscule et moi même. La disparition de la Louve et de Kiba pèse lourd dans nos cœurs, mais elle ne fait que masquer celles de tant d'autres dont nous n'avons plus de nouvelles non plus.

Aveuglée par mes expéditions et mes recherches, c'est bien trop tard que je n'ai réalisé combien nous étions devenus peu nombreux. L'ile, chaque fois plus calme, semble retourner peu à peu à son sommeil séculaire.

J'ignore ce que vont devenir les sibyllins restant, j'espère de tout mon cœur que les cerbères du message et du savoir sauront garder l'esprit qui nous unissait, voir, qui sait, arriveront à reformer un groupe basé sur les mêmes idéaux.

Un jour, ici ou ailleurs, demain ou dans quelques siècles, la 8ième Cohorte verra le jour, et à eux je dédie cet ouvrage. Qu'Aion fasse qu'elle évite nos erreurs.

Quant à moi, il est temps je crois de retourner à mon poste. Si la Cohorte m'a ouvert les yeux sur bien des sujets, on ne peut hélas nier la guerre, ni espérer que nos cousins aux ailes blanches cessent les hostilités.
On ne peut échapper à son destin.