Clôtho I
"Si vous avez des larmes, préparez-vous à les verser."
(W. Shakespeare - Jules César)
"Si vous avez des larmes, préparez-vous à les verser."
(W. Shakespeare - Jules César)
Son casque de cheveux blond clair virevoltait autour de son minois enjôleur, ses pieds nus caressaient l'herbe encore humide, sa robe blanche tourbillonnait, pâle tempête de tissu transparent. Leurs mains s'enlaçaient puis se fuyaient, leurs corps se percutaient, s'entrechoquaient, se berçaient.
"Demain aussi sera paisible, n'est-ce pas ?"
Irène s'était arrêtée net et l'avait fixée gravement, de ses prunelles d'un bleu délavé. Les temps étaient déjà difficiles. C'était en un jour oublié. Mais déjà les complications se faisaient ressentir et le sang s'était répandu sur les terres d'Atreia. La monstruosité gagnait en puissance et rongeait toute sérénité.
"Les drakens...", avait-elle simplement répondu.
Savait-elle ? Clôtho la saisit par les épaules, unissant leur regard en un échange intense. Elle éprouva en un choc terrible toute l'angoisse qui submergeait les iris céruléens d'Irène. Elles ignoraient que ces deux mots allaient signer leur séparation définitive, la perte de l'une et la damnation de l'autre. Clôtho risqua un sourire apaisant.
"Ce n'est qu'un mal passager. Aion veille. Il n'y a rien à craindre..."
Elle regardait l'exquise figure que lui renvoyait le miroir, l'éclat d'une lumière écarlate dans ses prunelles, dans les mèches éparses de sa chevelure, sur la chair blafarde de sa gorge. Qu'elle souhaitait les chasser, ces souvenirs obsédants, ces mouvements inondés de clarté, ces parfums retentissants, ces sensations onctueuses... Et ce visage. Elle la voyait là, dans le miroir, face à elle. Elle lui souriait, d'une risette parfaite et lui tendait la main avec tendresse.
La courtisane leva sa blanche menotte et l'écrasa brutalement contre la malheureuse psyché, qui bascula vers l'arrière et se brisa dans sa chute.